
Fabien Segarel « C’est le plaisir et l’envie qui me guident »
A 36 ans, “Segz” est un personnage ! Excellent formateur deux saisons en U15, garçon attachant et vrai guerrier sur le terrain, il prolonge le plaisir dans son département de toujours, après avoir connu la Proligue notamment avec Saint-Gratien Sannois. Cinq ans plus tard, il rêve d’y revenir avec l’Elite Val d’Oise Handball et un groupe qui lui plaît, mais en travaillant et sans s’enflammer ! Une leçon de vie.
- Elite Val d’Oise Handball : Après trois journées de championnat et deux mois après la reprise, quel bilan tires-tu de cette période-clé après deux années très compliquées ?
Fabien Segarel : « Le groupe a beaucoup changé par rapport à l’an passé. Le plus important était de trouver des repères, un mode de fonctionnement, trouver ses marques. Cela fait trois ans que l’équipe bouge beaucoup. C’est dur de trouver un rythme de croisière. Cette année, avec le statut VAP, on a des obligations. Des joueurs pros sont venus renforcer l’effectif. On arrive entre le mode amateur et le mode pro. Il faut trouver son rythme. Les résultats ne sont pas encore là. On progresse et ces trois matches (une défaite puis deux nuls), on aurait pu les perdre… comme les gagner. Le Hand se joue sur des détails. En fin de saison, on ne devrait pas les perdre. Au début, on peut se le permettre, car on n’a pas nos repères. On sort de deux ans “sans match officiel”. On retrouve le rythme des entraînements, des matches, du public. Ce n’était pas facile au début. »
- EVO : Tout le monde dit que ce groupe vit très bien malgré ce renouvellement.
F.S. : « Les jeunes apportent la fraicheur, le physique, la puissance. Nous les anciens, on essaie d’apporter l’expérience et mettre tout le monde dans le même sens. Ce groupe est intéressant, avec de grosses qualités. Il y a des joueurs que l’on n’a pas encore vus, qui vont surprendre beaucoup de gens. Ils ne se sont pas encore libérés. Ils prennent leurs marques. On a même récupéré notre pivot fin septembre seulement. On jouait sans, même si Armand (Civil) et Djo (Djordan Bourgrainville) ont fait le taf. Yasser (Boukheda) a des soucis physiques. Là, on récupère Mehdi Alaoui, notre recrue. Il faut voir comment on va travailler avec lui en défense et en attaque. »
- EVO : A 36 ans, quel rôle as-tu dans ce collectif ? Celui de guide, de grand frère dans le même état d’esprit qu’Omar (Bénali), d’apporter sa niaque et son envie ?
F.S. : « Moi, si je suis encore là, c’est que j’ai envie. Après, comme je le dis souvent, je ne pense pas être un exemple pour les jeunes… C’est vrai ! Je ne m’en suis jamais caché. J’essaie de leur faire comprendre que s’ils veulent avancer, progresser, il ne faut compter que sur eux-mêmes. Même s’il y a une ligne directrice du coach, c’est à eux de faire ça et ça pour avancer. Cela se passe comme ça partout, même dans la vie et le travail. Moi, un exemple (il réfléchit) ? J’essaie de l’être par ma niaque sur le terrain, mon envie de gagner, performer ensemble. Que je joue ou pas, je suis toujours là. On va dire que je suis là “comme un grand frère”, mais pas forcément comme un motivateur à l’entrainement et toute la semaine. S’ils ont besoin de conseils, je suis là, mais je n’irai pas vers eux. Je ne suis pas comme ça. On a de bons jeunes, respectueux. Ce n’est pas partout, je tiens à le dire. Je les aime bien, j’aime bien l’atmosphère de l’équipe. Maintenant, moi, je suis dans le bonus. »
- EVO : C’est à dire ?
F.S. : « Ces années que je dispute n’étaient pas prévues. Je pensais que mon corps lâcherait plus tôt. Tant que je peux faire ce que je sais faire et que j’aime bien faire, je continue. Je ne me prends pas la tête. Qu’il faille jouer 20 minutes, 5 minutes ou 60 minutes, je suis là. C’est le plaisir et l’envie qui me guident. »
- EVO : Tu es un Val d’Oisien pure souche. Tu as commencé à Saint-Brice, tu as connu deux périodes à Saint-Gratien (2007-2010 et depuis 2014 dans l’association avec Franconville Le Plessis-Bouchard), une saison à Saint-Ouen-L’Aumône et trois saisons aussi à Cherbourg. Quelle est l’importance pour toi d’être encore dans ce projet de l’Elite Val d’Oise Handball, alors que tu as connu la montée en Proligue et la descente en N1 et que tu aurais pu dire stop ?
F.S. : « Une équipe dans le Val d’Oise en Elite, alors que j’ai joué en National avec Saint-Gratien et en Région et Département avec Saint-Brice, le club de mes débuts de 10 à 22 ans, je dis oui ! C’est important pour finir. Cela me fait plaisir d’être dans ce projet. Omar a commencé à Franconville, c’est bien qu’il soit là. Je connais tous les gymnases du Val d’Oise. Quand on a joué à Herblay (contre le Paris SG N1) en match amical en août, j’y avais déjà joué en U15 ! »
- EVO : Tu auras 37 ans en janvier. Un jour, en interviewant Chris (Nkuingoua), tu m’as dit en rigolant que tu ne te mettais pas dans les vieux. Qu’est-ce qui te fait avancer, te motive encore, comme Omar à 38 ans ?
F.S. : « J’écoute souvent les anciens dans le Hand, qui me disent : “tant que tu peux jouer, joue. Car sinon, tu pourrais le regretter”. J’ai failli arrêter plusieurs fois. Mais le corps continue à suivre. Donc, je prends du plaisir, je profite des matches, du vestiaire, de l’ambiance dans l’équipe, du public, des échauffements… De tout ça. Si j’arrête, ça me manquera peut-être, je ne sais pas. Mais je ne suis pas comme “Maro”, à fond entraînement-match, entraînement-match. Je ne sais pas comment il fait. Quand je suis arrivé au haut niveau à Saint-Gratien, il était là ! Je le respecte, mais je ne suis pas dans la même dynamique. Moi, c’est plus le plaisir. »
- EVO : Tu es connu pour avoir un certain mode de fonctionnement, ton franc-parler aussi. Cette façon d’être te fait avancer ?
F.S. : « Oui. Plus je cours, mieux je me sens et mieux je serai. Car quand on arrête le sport, je pense qu’il y a une petite redescente, non ? Pour l’instant, je suis bien. Je vanne les petits. A 36 ans, je saute toujours plus haut qu’eux ! C’est pas terrible. Je les fais chier. J’aime leur parler de quand j’étais petit. C’est un bon passage de relais. J’aime bien les jeunes de cette équipe. Quand je suis comme ça, c’est que du bonus et je profite surtout. »

- EVO : Tu as été un très bon entraineur des U15 à Saint-Gratien il y a peu de temps, bien dans ton rôle et un moteur pour les ados. C’est une expérience qui t’a plu et que tu aimerais renouveler plus tard après ta carrière ?
F.S. : « Ça me plairait, oui. J’ai apprécié coacher, entraîner les enfants. Mais ça me prenait beaucoup de temps avec mon planning entraînement/match en N1 en plus du leur. J’ai un petit garçon, une famille. Il ne faut pas que le Hand soit toute ta vie non plus. Je pense que je reprendrai ça après ma carrière. Oui, des ados ! Et un jour peut-être, des adultes, même si je ne suis pas trop sur ça pour le moment. Mais reprendre une équipe de jeunes, oui. J’aime bien discuter, transmettre, rigoler, apprendre à les connaître. Quand j’arrive, je ne connais personne et quand je les vois grandir, je suis content. Quand je les vois, “les mecs” me dépassent tous aujourd’hui. On se reparle, on a un bon feeling, on est content. J’ai un bon feeling avec les jeunes. »
- EVO : On connaît le joueur, mais comment est le jeune père de famille que tu es en dehors du gymnase ?
F.S. : « Comme sur le terrain ! Parfois, je rigole et je râle quand quelque chose m’énerve. Je ne joue pas un rôle au Hand. Avec mon fils, j’essaie d’être pareil. C’est dur. Il a choisi le Basket, je vais l’accompagner. J’aurais préféré qu’il choisisse le Foot (Fabien est un grand fan de Foot !). Non, dis le Hand dans l’interview (il rigole), ça fait mieux ! Il joue près de chez nous à Franconville, car il n’y a que là-bas qu’ils prenaient les petits de 4 ans. J’essaie de bien l’éduquer. Je comprends ma mère quand elle me disait “c’est dur” ! Je suis d’accord. »

- EVO : L’avenir proche pour l’équipe, c’est un gros match contre Bordeaux Bruges/Lormont HB le 9 octobre à Hidalgo. Une très forte équipe, qui s’est bien ressaisie après un début aussi compliqué !
F.S. : « Encore un gros match. Cette année, on ne jouera que des gros matches contre des équipes qui veulent monter en Proligue ou prouver qu’elles méritent d’être dans cette Poule. C’est intéressant ! Bruges, ils ont été annoncés partout comme la grosse équipe, le favori à la montée, et cette image-là, c’est dur à assumer. Ce n’est pas parce que tu as un gros effectif, des joueurs de D2 que tout va rouler. Bruges, c’est une équipe comme l’Elite Val d’Oise Handball, pas au-dessus. On les avait déjà battus par le passé. »
- EVO : Parce que les trois premiers matches ont été difficiles, il y a une pression supplémentaire ?
F.S. : « Pas de pression ! Elle n’est pas encore là. Quand on voit les matches, comme on est sur le terrain, on voit qu’on peut mieux faire et qu’on aura l’occasion de le faire. C’est juste qu’il faut trouver les affinités, les réglages. Ces trois matches, on pouvait tous les perdre, mais aussi les gagner. A domicile, on ne doit pas perdre. On doit se montrer conquérant et respecter notre statut. »
- EVO : Bordeaux Bruges est une équipe et un club un peu particulier, qui a un gros projet et qui compte des anciens Gratiennois qui ont écrit l’histoire du club, comme Mamadou Faye, Simon Queva, Alex Go ou Benoît Peyrabout sur le banc. Ce sera un match particulier ?
F.S. : « Non, car Mamad et Benoît, il n’y a que moi qui les aie connus. En gros, ce sera la bise au début du match et à la fin. Les autres ne savent pas ce passé. Que Mamad est monté en D2 avec Saint-Gratien avant de partir. Que Benoît a eu l’équipe avant la D2 avec Dika Mem notamment. Je suis le seul ancien de cette période avec Martin (Oliver) qui est parti pour son travail. Ce sera un match comme les autres. Ce sera un plaisir de les voir. J’ai été entraîné par Benoît la première année de mon retour à Saint-Gratien en 2014, avec Mamad, Alex, Dika, Alameen (Abdul Khudoos) ou Lucas (Mosca, international argentin qui joue à Montpellier). Ce côté émotionnel ne jouera pas. Avant, on était une équipe entière. On se connaissait tous. Ça change vite. »
- EVO : Dans l’idée de transmission des anciens, Martin (Oliver) a arrêté. C’était un enfant du club. C’est un guide de moins dans le collectif ?
F.S. : « Martin est juste ! Il a toujours été dans la justesse. Il n’a jamais changé de club, toujours été fidèle. Et malgré son travail ailleurs désormais, il a encore gardé sa licence ici. Il a fait le début de la prépa avec nous, le stage. C’est une légende de Saint-Gratien et de l’Elite. Un mec comme lui manque parfois dans le groupe. Il ne parle pas beaucoup, mais quand il parle dans un groupe, ça sert ! C’est important. Je suis content, car il a trouvé le boulot qu’il cherchait à Orléans. Mais il manque. Bon, on a récupéré mon petit Simon (Dalmont) dans les cages, qui a joué avec moi à Cherbourg ! »
- EVO : Cette saison sera longue, haletante, motivante, compliquée, excitante…
F.S. : « Les équipes ont toutes le niveau de la Poule. Quand on voit même que les premiers fin septembre, c’est le PSG et Annecy, non VAP, ça montre le niveau de la Poule Elite. Il faut gagner chaque match pour laisser une équipe derrière soi. On n’a pas très bien commencé, mais on n’a pas très mal commencé non plus. Il faut prendre la victoire qui te fait bien débuter. C’est pas facile, tout le monde travaille beaucoup. Quand tu as le statut VAP comme nous, il y a toujours une petite pression, même si tu ne veux pas l’admettre. Le statut fait que l’on ne doit pas passer pour des peintres. On a posé un dossier pour monter en D2. Donc, même si l’objectif n’est pas de monter tout de suite forcément, les bases sont là, l’objectif aussi. »
- EVO : Comme tu as vécu la montée en Proligue avec St-Gratien, puis une saison en D2, tu sais ce qu’il faut faire pour y revenir et gérer ces matches aussi ?
F.S. : « L’année de notre montée, on avait un groupe qui se connaissait depuis 2-3 ans, voire plus. Il est devenu plus qu’une équipe, une famille. On allait dans le même sens, parfois en autogestion. Notre entraîneur, Daniel Deherme me disait parfois : “Je n’ai jamais vu ça”. Aller dans le même sens, c’est ce petit truc qu’il faut trouver. Car on peut avoir de bons joueurs, si ça n’avance pas dans le même sens, ça ne fera jamais une bonne équipe de Hand. Nous, on avait de bons gars. C’est peut-être ça qui nous a fait monter. Mais on l’avait travaillé depuis 2-3 ans. Là, on a encore changé beaucoup de choses. Il faut laisser un peu de temps au groupe. On peut parler de la montée, on verra en janvier-février. Si on peut monter, on ne se cachera pas. Mais j’espère que si on ne monte pas, le groupe n’explosera pas et que l’on ne repartira pas encore sur un nouveau groupe. Il faut travailler avec un groupe et des bases solides. Ce n’est pas parce qu’on a bien recruté, que l’on a pris les meilleurs, que c’est parti ! Il n’y a qu’au PSG que ça fonctionne comme ça. »
- EVO : Des joueurs interviewés depuis le début de saison, tous veulent monter, au plus vite. C’est ton état d’esprit aussi après ce que tu as connu au SGSHBC ?
F.S. : « Je suis plus mesuré. Quand je les entends parler, c’est bien. Ils ont la gagne. Mais avec du recul, il ne faut pas oublier que huit équipes veulent monter. Elles travaillent comme nous la semaine. Ce sera au plus méritant. Il faudra le mériter. On est douze équipes. Huit peuvent monter. Il y aura deux élues… et six déçues. J’espère que l’on sera dans les deux. Ce sera une belle fête. Il faut travailler, prendre match après match et ne pas regarder les autres. C’est bête à dire. On verra fin janvier-fin février et on fixera des objectifs. Là, il faut se rassurer sur notre niveau de jeu, sur nous-mêmes, travailler. Je ne vais pas dire maintenant “Je veux monter”… Je veux gagner à l’Euromillions aussi (il éclate de rire) ! »

Interview : Frédéric Thoos (EVO)
Photos : Mathilde Plotton, Vanessa Broussier Moreau (EVO), David Turmine (HBC Parisis), Sébastien Torchio (Annecy CSAV Handball)