
Mehdi Ismaili Alaoui « Cette saison est très importante pour l’équipe, le club et moi »
Difficile d’imaginer ce grand gaillard à la voix douce, timide et qui s’excuse après être arrivé en retard au rendez-vous pour notre interview faire le ménage dans les 7 mètres adverses. Dernière recrue du staff technique, il apporte au poste de pivot des solutions solides combinées au retour de blessure de Yasser Boukheda. A 29 ans, Mehdi vit sa première expérience en Europe. Il nous en parle avec son calme naturel.
Elite Val d’Oise Handball : Tu es la dernière recrue de l’Elite Val d’Oise Handball pour la saison. Mais tu as arrivé très tardivement, le 24 septembre. Pourquoi ?
Mehdi Ismaili Alaoui : « Avec la pandémie de Covid-19, le Maroc avait refermé ses frontières et bloquait les visas, malgré des contrats de travail. Mais avec des contacts et des discussions, la situation s’est déloquée pour moi et j’ai pu enfin arriver fin septembre. »
EVO. : Comment as-tu choisi l’Elite Val d’Oise ?
M.I.A. : « J’ai disputé la Coupe du monde avec le Maroc en janvier dernier. Le club a vu mes performances et quelques temps après, Youcef (Aoulagha, le coach adjoint de Safwann Khoudar) m’a contacté et m’a proposé de venir pour cette saison. J’ai trouvé cela intéressant et motivant et j’ai dit oui. Il s’est alors occupé de ma venue. »
EVO : Quelle était ta situation sportive alors ? Tu jouais en championnat au Maroc, ou ailleurs ?
M.I.A. : « Je jouais au Maroc avec le club de Widad Smara en 1re division. J’ai gagné neuf titres avec eux. J’ai commencé dans un club de Casablanca pour lequel j’ai joué 13 ans, Nouasser, avant de rejoindre Widad Smara justement. »
EVO : Tu as commencé le Hand à quel âge ?
M.I.A. : « A 13 ans. J’ai fait beaucoup de sports, mais à 13 ans, j’ai commencé en scolaire et j’ai aimé ce sport tout de suite. Je venais de trouver un sport de contact, de vitesse, de combat. C’était parti pour le Hand, même si j’avais fait aussi du Foot, du Basket et du Rugby ! »
EVO : Tu es né à Casablanca ?
M.I.A. : « Oui et c’est là que tout a commencé pour moi. Je ne suis pas né dans une famille de handballeurs. Mon père a été international marocain au Rugby. Moi, je suis passé au Handball par toutes les sélections jeunes avec le Maroc, Minimes, Cadets, Juniors puis en adulte à partir de janvier 2016. J’ai disputé trois Coupe d’Afrique des Nations et le dernier Mondial en 2021. »
EVO : Une CAN justement, c’est quelque chose d’incroyable à vivre.
M.I.A. : « Oui. Représenter son pays, c’est quelque chose d’énorme. Alors le faire en Coupe du monde, c’est très fort. »

EVO : Avec l’Elite Val d’Oise et les clubs de Saint-Gratien Sannois et de Franconville Le Plessis Bouchard, tu connais ta première expérience en Europe à 29 ans seulement.
M.I.A. : « Oui. Je n’avais joué qu’au Maroc avant. J’en suis parti dans l’idée du vivre du Handball. Mon niveau s’est amélioré depuis mes débuts à 13 ans et un jour, je me suis dit “pourquoi pas tenter l’aventure… si c’est pour partir dans un club de très bon niveau”. Avec le club Widad Smara, j’étais devenu professionnel. Avant, je travaillais encore dans le domaine de l’installation de réseaux informatiques et téléphoniques, après mes études, et en même temps, je jouais au Hand. Rejoindre l’Europe était un challenge très intéressant. »
EVO : Lors de votre 2e victoire au CSL contre Dreux Vernouillet, on t’a vu à chaque but haranguer la foule avec une attitude et des gestes forts. C’est ta mentalité sur le terrain ?
M.I.A. : « C’est mon caractère. J’ai “kiffé” ce sport, car c’est un sport de combat, de technique, de force. Je me retrouve dans ce sport et je ne suis jamais battu sur le terrain. »
EVO : Tu as un caractère calme, comme Lahcen (Bellimam, son équipier). Cela a été facile de t’adapter à ce nouveau groupe qui vit déjà bien, alors que toi, tu débarques en Europe pour une première expérience ?
M.I.A. : « Oui. Je suis arrivé dans un groupe de folie, où on s’adapte facilement, on parle, on rigole toujours. Je n’ai eu aucune difficulté à mon arrivée malgré le contexte. »
EVO : Lahcen m’a dit “Mehdi vient d’arriver et on dirait qu’il est là depuis un ou deux ans déjà”. Cette adaptation tient à ton caractère facile aussi ?
M.I.A. : « Oui, mais c’est grâce au groupe tout ça aussi. »
EVO : Que penses-tu justement de ce groupe que tu as découvert il y a deux mois à peine à la hâte ?
M.I.A. : « C’est un groupe très intéressant. Les jeunes sont très forts, comme les anciens joueurs d’ailleurs. Mais il est aussi un aspect multiculturel qui est intéressant. Il y a toujours un temps d’adaptation dans un nouveau groupe. Mais avec celui-ci, tout est plus facile. »

EVO : A 29 ans, avec ton expérience d’international, que penses-tu lui apporter ?
M.I.A. : « Mon expérience avec le Maroc justement. Je peux aider mentalement peut-être, mais surtout dans le jeu, je pense. Le projet de jeu des coaches me convient bien. Mais surtout, il ressemble beaucoup à ce que je faisais avant. Donc je peux apporter de bonnes choses au groupe. »
EVO : Tu es pro et tu as signé pour un an. Ce projet te plaît au point de vouloir t’y inscrire sur le long terme ?
M.I.A. : « Oui. Je me sens très bien ici. Pour ne pas resigner ici ! Le staff et le groupe sont très bien à vivre et pour travailler. »
EVO : La présence de Lahcen dans le collectif a été importante pour ton adaptation ?
M.I.A. : « Très importante, oui. Car c’est ma première expérience en Europe. Nous vivons tous les deux ensemble. C’est plus simple. Si j’étais seul ici, ce serait difficile à vivre… Je suis désolé d’être arrivé en retard pour l’interview. Il y avait beaucoup de bouchons sur la route ! Quand vous arrivez comme ça sur un autre continent, dans un autre contexte, c’est toujours difficile. »
EVO : On a connu les joueurs maghrébins avec la Tunisie dans les années 90. Quelles sont les forces des joueurs marocains ?
M.I.A. : « On a vu à la Coupe du monde que nous étions déjà de grands défenseurs. On avait une des meilleures défenses de la compétition. Il nous manque un petit quelque chose en attaque. On a une mentalité de battants sans avoir un style de jeu précis. On est des guerriers sur le terrain. »
EVO : Quels sont tes objectifs avec l’Elite ? Tu veux monter en Proligue comme la majorité du groupe ou tu restes plus mesuré ?
M.I.A. : « Tout le monde ici parle de cet objectif Proligue. Moi, j’ai ça en tête aussi. C’est mon objectif. Maintenant que l’on a gagné nos premiers matches, je pense que le groupe est bien lancé. On va voir nos prochains résultats, car rien n’est acquis. »
EVO : Ton arrivée a semblé correspondre avec une évolution dans les résultats et une montée en puissance. Tu as apporté au poste de pivot des solutions que le staff n’avait pas encore, d’autant plus que Yasser était blessé et vient juste de revenir.
M.I.A. : « Avant mon arrivée, l’équipe, sans Yasser, a joué sans pivot. C’était donc compliqué. Il y a eu aussi beaucoup de changements à l’intersaison. Il fallait donc s’adapter. Maintenant, le projet de jeu change aussi. Mais moi, je connais ce projet de jeu. La défense, l’attaque, c’est presque pareil que ce que je faisais au Maroc. »
EVO : Les résultats sont meilleurs. La vie est donc encore plus belle et la motivation au top, même si rien n’est gagné d’avance dans un championnat N1-Élite compliqué ?
M.I.A. : « Ce championnat est difficile. Mais avoir gagné deux fois nous rassure. Et du coup, on paraît lancé à présent vers le même objectif. »
EVO : Autre grand objectif de ta saison, en janvier, il y aura la Coupe d’Afrique des nations au Maroc. Tu dois et tu veux absolument être retenu.
M.I.A. : « Je suis déjà retenu. Mais d’un point de vue général, j’aime représenter mon pays, porter mes couleurs. Pour cette compétition, on vise le podium et pourquoi pas la finale… Il y aura des nations fortes comme l’Égypte et la Tunisie pour la bagarre pour le titre et le podium. »
EVO : Une CAN à domicile, ce sera stressant ou motivant ?
M.I.A. : « Stressant plus que motivant. On ne sait pas déjà si on jouera devant du public ou pas. Car le Maroc joue sans public. C’est stressant. Tu veux faire une bonne compétition, obtenir un bon classement et tu ne sais pas si tu le feras devant ton public. On est obligé d’être bon. Et si on veut retourner en Coupe du monde en 2023, il faudra terminer dans les 5 premiers de cette compétition. »
EVO : L’équipe a progressé par rapport à l’équipe de la Coupe du monde et de la précédente Coupe d’Afrique ?
M.I.A. : « Lors des premiers stages, beaucoup de jeunes sont venus. Je ne sais pas quels seront les choix de l’entraîneur. Faut-il laisser l’équipe de la Coupe du monde ou changer ? En tout cas, nous avons déjà beaucoup d’expérience avec un joueur comme notre gardien Yassine Idrissi. J’espère que Lahcen (Bellimam) sera là “In sha Allah” aussi. On a aussi un joueur très important comme Nabil Slassi, qui joue en D2 (à Caen). L’équipe me paraît plus forte encore que celle de la précédente Coupe du monde. Mais on aura fort à faire face aux Égyptiens et aux Tunisiens principalement. »
EVO : Cette saison est très importante pour toi !
M.I.A. : « Elle très importante pour l’équipe, pour le club et pour moi. C’est très motivant. Il y a l’Elite Val d’Oise, la sélection et mon adaptation en général. Je ne vais me focaliser que sur mon travail cette saison. J’ai 29 ans, je peux peut-être jouer encore 7-8 ans si je m’entraîne bien et si je reste sérieux “Al Hamdoulillah”. Mais cette année est vraiment très importante. »

Interview : Frédéric Thoos (EVO)
Photos : Vanessa Broussier Moreau (EVO)