
Vincent Blanchard : « Le Hand reste un jeu et un plaisir »

Après une quarantaine d’années au SGSHBC en tant que joueur puis entraîneur, Vincent Blanchard possède une expertise légitime. Entraîneur des U16 Région de l’Elite Val d’Oise Handball, avec Alex Potet à ses côtés, ce prof’ de maths – très bon technicien – sait où il veut mener son groupe. A un niveau de résultats le plus élevé possible, mais aussi à un niveau de formation et d’éducation idéal.
ELITE VAL D’OISE HANDBALL : Quel bilan dresses-tu du début de saison de ton collectif U16 ?
VINCENT BLANCHARD : « L’objectif était de se qualifier en Elite Région. Cela a été fait. Le bilan aux délayages a été bon, puisque l’on était invaincu. Au début de championnat, on a alterné des bonnes perfs et on a été embêté par le Covid, car on n’a pas pu jouer pendant trois semaines. On a repris par un match au PSG soldé par une défaite d’un but, alors que l’on pouvait accrocher le nul. C’est dommage. Mais on a été un peu arrêté par ce Covid. Le premier bilan est plutôt satisfaisant. Même s’il reste des axes de travail, c’est quand même pas mal. »
EVOH : Comment juges-tu ton groupe 2021-2022, qui comporte des enfants que tu avais déjà l’an passé ? Tu travailles avec combien de joueurs au total ?
V.B. : « Le groupe comprend une vingtaine de joueurs. J’en ai qui ne sont pas là la semaine, car ils sont au Pôle. Après, quelques joueurs sont nés en 2008. On tourne à 16 à l’entrainement et le vendredi, on en sélectionne 14 pour le match à venir et on en prend 12 pour le week-end. C’est un groupe investi, de qualité, avec des jeunes motivés, qui savent pourquoi ils sont là. Ils ont envie de gagner des matches, de jouer au plus haut niveau Région. Ils ont envie d’avancer, progresser, monter. Il y aura au-dessus les U18, dont l’équipe Championnat de France puis les Séniors en représentant Saint-Gratien. L’objectif est de jouer au minimum en N3, voire au-dessus. Ce sont des jeunes qui aiment le Handball. »
EVOH : A l’image des U18, les U16 ont aussi beaucoup souffert de la période Covid en 2020-2021 ?
V.B. : « Oui, évidement. Après, c’est un groupe particulier. Le club de Saint-Gratien Sannois organisait des séances hors gymnase. Eux venaient le samedi et le dimanche matin. Ils étaient là pour de la piste et du renforcement musculaire. Ils n’ont pas décroché du tout, alors qu’ils n’avaient que la piste par exemple le samedi. Ils venaient pour du foncier, ce qui en dit long sur leur motivation. Cela nous a fait avancer et a donné un plus par rapport à d’autres équipes. En début de saison, on a joué des équipes pas prêtes. Et nous, ce travail de course et de renforcement musculaire nous a donné un vrai plus pour cette saison. »
EVOH : Cela a aussi changé la donne psychologiquement et évité une coupure dans la tête ?
V.B : « Oui. Cela a soudé le groupe. Quand les gamins souffrent ensemble… Après, dans le Handball, tout le monde a payé cash cet arrêt. Mais c’est presque étonnant que ce groupe soit resté aussi motivé pendant l’hiver. Parfois, on arrivait à 9h, il faisait 3-4°, il neigeait presque et ils étaient là. C’est un vrai groupe intéressant. »
EVOH : Cela se voit moins en U18. Vois-tu en U16 une différence physique entre certains enfants à un âge où ils changent vite ?
V.B. : « On en voit encore en U16, même si de plus en plus, les enfants sont grands et costauds. Certains ont aussi une croissance tardive et n’ont donc pas encore poussé. On a encore des joueurs atypiques. On a un 2007 qui n’est pas très grand, costaud, mais qui compense par une activité différente. »

EVOH : Quels sont tes objectifs sportifs de la seconde partie de saison ?
V.B. : « Le premier a été atteint, d’être en Elite Région. Après, on n’a pas forcément d’objectif de titre, de résultats ou de gagner. Mais on doit former des joueurs pour aller au-dessus. L’objectif pour les joueurs les plus proches, c’est d’évoluer en U18 Championnat de France et d’évoluer. C’est plus un objectif de formation. On joue déjà dans la meilleure division, on rencontre les meilleures équipes et on sait qu’on a le niveau. On peut perdre des matches ou battre tout le monde, mais l’idée c’est de former. La culture de la gagne est importante. C’est un groupe qui vit pour ça et les entraineurs pareil. Mais ce n’est pas l’objectif majeur. Peut-être enverra-t-on les joueurs s’entrainer et jouer un peu en U18 d’ici la fin de saison, ce qui permettra aux plus jeunes de mon groupe à leur tour d’avoir du temps de jeu pour s’aguerrir. Ça fonctionne comme ça. On envoie parfois des joueurs en U18 déjà. »
EVOH : Cette saison, ta catégorie a été ajoutée à la filière formation de l’Elite. C’était important pour le travail des coaches et la progression des enfants ?
V.B. : « Honnêtement, si on a le même groupe labélisé Saint-Gratien Sannois qualifié en Région, ça ne change rien. Ce n’est pas le fait de s’appeler Elite Val d’Oise… Mais ça te permet aussi d’avoir des joueurs d’autres clubs partenaires. C’est bien. Ce qui est intéressant, c’est la continuité de travail et les relations avec Raphaël (Vaquerin) et Fabrice (Le Roy) notamment. On échange tout le temps. On ne travaille pas de notre côté sans regarder ce qu’il y a au-dessus ni même en-dessous, car des U14 intègrent le groupe à l’entraînement. En ça, c’est intéressant. Après, la composition du groupe, je la connaissais déjà. »
EVOH : Tu as changé de catégorie il n’y a pas longtemps et tu as entraîné des plus jeunes, les U13 et U15 notamment. Comment vois-tu ce passage en U16 dans leur formation, avant les U18, la dernière catégorie jeunes avant les adultes ?
V.B. : « Nous, on est toujours dans des apprentissages de fondamentaux. En sortant des U16, il y a un savoir-faire en défense comme en attaque que les joueurs doivent maitriser. On est dans une logique de progression entre les U14 et les U18, où même là on fait de la formation. En fait, avant d’arriver en Séniors, un joueur doit savoir faire des choses ! En U16, on est en pleine formation avec un joueur dont le physique commence à évoluer. Ça, ça ouvre des portes. »

EVOH : Tu es prof’ (de maths en 1re, Terminale et prépa) dans la vie. Tu côtoies d’autres enfants. Comment juges-tu tes joueurs à 14-15-16 ans ? En U18, les coaches récupèrent des jeunes qui font face à des choix de vie. Toi, tu as d’autres soucis, dans la tête, la maturité, l’attention, un comportement particulier parfois – légitime ou non – à cet âge ?
V.B. : « Il n’y a pas de problème d’investissement. Ces gamins savent ce qu’ils veulent. Je suis là pour les entraîner et, après, en tant qu’humain, leur transmettre des valeurs. On est là pour former des joueurs et des jeunes. Leur apporter des choses qui leur serviront dans la vie plus tard. Franchement, ce groupe-là est vraiment extra. Un groupe avec des vrais liens, d’enfants qui se connaissent depuis longtemps pour certains. Qui sont aussi dans une logique sportive de concurrence et savent qu’il faut gagner sa place. C’est compliqué, mais tous savent pourquoi ils sont là. On retrouve les valeurs du club de Saint-Gratien Sannois qui s’est construit sur ses valeurs-là : il faut gagner sa place à l’entraînement la semaine pour jouer le week-end. C’est une notion importante de comportement et d’investissement qui joue. On n’est aussi plus dans le même type d’enfants qu’il y a 10-15 ans. Ça a évolué. On est là en tant qu’adulte pour leur montrer la voie, mais aussi leur apprendre à rester humble et digne dans le sport, savoir gagner comme perdre. C’est important de respecter ça. On a en commun un challenge autant sportif qu’humain. J’aime bien les deux. Tu me connais bien. Il faut ce plaisir, même si tu ne gagnes pas forcément, en vivant des choses au niveau humain aussi. Dans ce collectif-là, ça se passe plutôt bien, coaches, parents, enfants. C’est un plus, car le Hand reste un jeu et un plaisir. »
EVOH : Oui, tu attaches beaucoup d’importance à ces notions de plaisir et de jeu avant tout, que tu distilles auprès de tous dans ton collectif et autour.
V.B. : « Il y a la compétition et on fera tout pour gagner. Une fois que c’est fini, si tu as gagné, t’es content. Si t’as perdu, c’est triste parfois, douloureux. Mais il faut apprendre à vivre avec ça et passer à autre chose. Bien savoir que le Hand reste un jeu ! »
EVOH : Le sport tient une place importante dans la tête des enfants ?
V.B. : « Ah oui. C’est important pour eux dans la tête et dans l’emploi du temps. Moi, je me retrouve aussi là-dedans. Quand l’an passé on était privé de gymnase, ils venaient courir et moi, je courais avec eux. Ça crée des liens. Le sport est un repère et on a tous ce repère-là. »
EVOH : Cette filière formation de l’Elite est de plus en plus complète, les groupes de plus en plus conséquents. Le panel est-il trop large, avec des enfants que l’on doit laisser chez eux le week-end, ou suffisant pour toi ?
V.B. : « Si tu veux faire de la compétition et du haut niveau, tu es sur une pyramide. Avec beaucoup d’appelés au départ puis de moins en moins. Je ne compare pas ça à un niveau d’excellence. Mais à l’Elite Val d’Oise, il y a beaucoup de gens qui viennent en disant “j’accepte la concurrence”. Mais après, il faut le faire, il y a douze places en match, pas treize. Ce n’est pas un problème pour un entraineur qui est là pour entrainer, former et aligner ses meilleurs joueurs s’ils sont dans l’état d’esprit… Quand on fait les collectifs pour le week-end, avec Alex (Potet, le co-entraineur), on fait des choix en connaissance de cause, de tout ce que l’on a vu avant. On ne va pas dire que l’on a des états d’âme, mais ça fait partie du jeu. »
EVOH : C’est aussi plaisant d’entrainer en U16 Elite que quand tu étais en U13 ou U15 avec Fabien Ségarel sur Saint-Gratien Sannois avec moins d’enfants ?
V.B. : « Dans les deux cas, tu prends du plaisir. Mais là, tu es dans une vraie logique de compétition et tu sais que tu vas essayer d’aligner les meilleurs pour gagner. Ça fait partie du jeu et de l’éducation… Un enfant doit savoir que s’il ne joue pas le week-end, ce n’est pas une punition. C’est une rotation et une sorte d’éducation pour aller plus haut. »

EVOH : On en avait parlé il y a un moment. On est à mi-chemin de l’idée du centre de formation. L’idée pourrait-elle voir le jour ?
V.B. : « Sur le principe, pour le joueur, intégrer un centre peut être un objectif. En U18 Championnat de France, des joueurs y partiront peut-être. En U16, certains sont motivés. Peut-être iront-ils. Après, à cet âge-là, le facteur études est important. En Seconde, il y a une première étape. Puis en fin de lycée et en post Bac, c’est compliqué aussi avec des choix plus scolaires que sportifs. Créer un centre de formation ? Ce serait une bonne idée. Après, il faut voir comment ça se fait, dans quel cadre, dans quelles conditions. Mais c’est une idée intéressante, car parfois tu as des enfants qui partent dans des centres de formation, où on leur fait miroiter des choses. Si tu les avais sous la main, ils pourraient alimenter ta N1 ou ta N3. Il faut retrouver cette culture de joueur club ou de filière Elite que tu ferais avancer, que tu formerais, qui te permettrais d’avoir des joueurs qui “jouent pour quelque chose”… Attention à ce que je dis, ce n’est pas méchant ! Mais ce que tu formes ici, tu n’as pas besoin d’aller le chercher ailleurs. »
EVOH : Tu es impliqué dans le partenariat entre l’Elite Val d’Oise Handball et le Montpellier HB depuis l’an passé. Que doit-il apporter à l’Elite dans l’idée du travail dans nos catégories et la culture Hand ?
V.B. : « Cela peut apporter des échanges sur le jeu, sur l’entrainement et les méthodes, des stages communs, des échanges techniques, mais aussi d’organisation, de structuration. On parle du plus grand club français des 25-30 dernières années. On a beaucoup à apprendre d’eux. Et ça les intéresse de voir comment on fonctionne. Ce partenariat n’a pas été fait parce que un ou deux joueurs les intéressent. Eux, ce qui les intéresse, c’est d’échanger, d’organiser des choses une à deux fois dans l’année, comme ça s’est déjà fait. Ça se met en place. »
EVOH : J’ai posé la question à Raphaël, coach des U18 France, qui vient de Montpellier notamment. On peut avoir l’idée d’un même style de jeu dans toutes nos catégories de jeunes, comme à Montpellier, comme ça se fait aussi en foot à Barcelone ou à l’Ajax d’Amsterdam par exemple ?
V.B. : « C’est plus compliqué. Tu peux donner une ligne directrice. Mais en fonction des catégories, ce n’est pas les mêmes objectifs. Et même dans un club comme Montpellier, tout le monde ne joue pas pareil. On peut privilégier tel type de défense ou autre chose. Mais après, chaque équipe a quand même son idée. Avant la réalisation du partenariat en 2021, j’avais échangé avec un entraîneur de Montpellier, puis avec Patrice Canayer, le manager général. C’est parti de là. C’est une bonne chose quand un club comme ça te fait sentir qu’il a un peu d’intérêt pour toi ! On a beaucoup à apprendre d’eux. Peu importe que ce ne soit pas un club parisien… C’est Montpellier, avec la culture du jeu et de la gagne ! C’est important. Si un jour des entraineurs vont là-bas ou que Patrice Canayer vient ici parler de sa vision des choses, ce sera très intéressant. C’est une vision plus large qu’un simple contrat à terme entre deux clubs, plus quelque chose à pérenniser sur le long terme. »
EVOH : Un dernier mot sur le binôme que tu formes avec Alex Potet, jeune entraineur du SGSHBC, entraineur chez les petits aussi et joueur en Séniors 3. Tu fais partie de nos coaches historiques. Son rôle et son profil sont importants pour votre complémentarité et votre travail avec les enfants ?
V.B. : « Alex est une personne importante dans le groupe. Il est à l’écoute, il a envie, c’est un garçon qui sera amené à devenir entraineur principal. Je l’apprécie, il est sérieux, investi. Moi, j’aime ça. Maintenant, il est un peu plus nouveau dans le jeu, que ne l’était Fabien Ségarel qui a entrainé avec moi. C’était un binôme différent. Mais Alex a envie d’avancer. Il est à l’écoute, mais quand il a quelque chose à dire, il le dit et les joueurs lui font confiance. Et je fais en sorte que les joueurs lui fassent confiance. Pour moi, en U16, il n’y a pas un entraineur et un adjoint, mais deux entraineurs ! Chacun a sa personnalité et va apporter quelque chose. Avec notre différence d’âge, cela apporte forcément des choses différentes aux joueurs. Moi, je lui apporte ce que je peux et lui m’apporte aussi des choses. S’il continue dans le Hand, il prendra des équipes et entrainera. »

Interview : Frédéric THOOS (EVO)
Photos : Vanessa BROUSSIER MOREAU, Frédéric THOOS (EVO)